Cette Femme Enfant, clandestine de la vie
Cette femme clandestine de la vie
Assise sur la banquette arrière d’une jeep
Mouvante dans sa transe millénaire
Comme une nomade passagère
Clandestine d’un cargo sans destination
D’un havre sans amarres
D’une terre sans lune
D’un ciel sans astres
Cette femme
Assise, clandestine de la vie
La vitre collée contre le corps…
Connaît… ô très bien… ô très fort
Les déchirements des départs
Le tremblement des mains a l’arrivée
Se souvient de l’ami Brel chantant
Vivant à jamais dans ses Marquises
"Et vous mes mains ne trembler pas
Ne vous tendez pas
Surtout ne me laisser pas…
Souvenez-vous comme je vous pleurais dessus"
Cette femme assise
Du bout des lèvres
Dans la buée des rêves
Dessine les contours d’un visage
Rivage au large de l’espoir
Baignée dans le regard étoilé
La profondeur de la tendresse
Comme une pleine lune de(s) songes d’enfance/enfants
Cette femme
Assise dans la moiteur de ses mains
Ébauche du bout de ses seins
La caresse fauve d’un champ de blé
Faisant l’amour avec le vent
Magnou de sa bougnasse rebelle
De ces cheveux d’anges
Aux peignes fins
Cette femme
Lovée dans le velours d’un grain de beauté
Redécouvre les méandres sous la peau
D’une rivière glougloutante de plaisir
Épelant des chapelets d’ambre musqués
De désir/plaisir à frémir
Cette femme avance dans la nuit
Bleutée hypnotisée par les aléas de la vie
La bouche, les mains, le corps…
Collées contre le mirage d’une vitre
Ses mains s’étirent,
son corps se tend
Son cœur se fend
A s’en écarteler pour étreindre le temps
Cette femme
Cherche à pêcher dans l’immensité du ciel
Une petite goutte d’or
Qu’elle voudrait pendre à son cou
Cette femme plonge par le clin d’œil d’un soir
L’iris de son sous-bois d’Automne
A la recherche d’une forêt d’Émeraudes aimantées
Cette femme fend l’Océan de ses limbes
Pour immerger de dessous les coraux
L’ardence de son impatiente attente
Ses maux mains mots quêtent les trésors
Caches sous les écailles et les récifs
De la vie et de l’amour aussi
Cette femme est bien plus encore, est meilleure aussi
l’enfance de talque poudrée sur une petite fesse
douce comme une eau de pêche…
cette enfance qui s’arrête comme une larme
tatouée au bord des cils,
cette bouche qui se ferme sur un cri muselé,
comme une huître raidie
en saillie du présent
sur une peau qui lacère la perle
Cette femme est bien plus forte aujourd’hui
et clame haut et fort son dégoût
sa voix se déclame, sa gorge se déchire
pour pousser,
son cri de rage, de viscères volcaniques
Là où l’enfance est blessée dans sa chaire,
ma voix sera là-même pour crier à la face du violeur,
son droit de dire NON c’est NON Point barres-toi !
cette femme n’est plus clandestine de la vie assise
sur la banquette avant de sa vie, qui l’emmène elle ne sais où
aujourd’hui elle ne fuit plus ces démons intérieurs
cette femme que je suis moi Zohra
belle et rebelle, elle vibre intensément et vit viscéralement
Décembre 1997