Poèmes

Les oiseaux des vergers
Dans un champ où fruits bleus
Sous un grand ciel orange,
Poussent même s’il pleut
Pour le plaisir des anges,
Les oiseaux des vergers
Vont faire bonne chère,
Loin des yeux des bergers
Et de la maraîchère.
Ce petit paradis
Est un jardin secret,
Où les après-midi
Font chanter la forêt.
Le torrent qui l’abreuve
Est une mélodie,
Défiant toute épreuve
Sur le sable arrondi;
Les fleurs qui y mûrissent
Sont d’estimables dames
Dont le seul grand caprice
Est d’avoir une belle âme.
Bateaux abandonnés
Gisent sur le rivage
Alignant les années
En comptant les orages.
Bourgeon
Qui es-tu créature
À la fine ossature ?
Tu es tel un insecte
Ne semblant point abject.
Que fais-tu, créature
Posée sur ma toiture ?
Qu’attends-tu donc ici
Si près des élicies ?
D’où viens-tu, créature ?
Et que sont ces griffures
Sur ton corps si agile
Et dans ton cœur fragile ?
Où vas-tu créature
Survolant la nature ?
Tu voles dans les airs
De l’été à l’hiver.
Que vois-tu, créature,
Au delà des verdures
Peuplant l’aube d’été
Sous ces cent variétés ?
Que sens-tu, créature,
Sinon l’or immature
D’un tout nouveau printemps
Aux parfums exaltants ?
Moi, je sais, créature !
Tu es bourgeon. Froidure ?
Le renouveau arrive,
Et je te vois, pensive...
Un beau jour, créature,
Vie te donne ouverture
Vers matin des aurores
Délices du dehors.
Confie-toi, créature,
À la longue écriture
Des mémoires où ton sang
Sait ce que tu ressens.
Aime-toi, créature,
Unique est ta structure !
Maintenant qu’il fait chaud
Envole toi très haut.
Prostitufée
Le jour, robe blanche et collier de fleurs dorées
La nuit, maquillage noir et collants résille
De petite fée à comédienne éplorée
Les papillons ne deviennent pas des chenilles.
Qui est cette prostitufée
Femme-enfant abîmée
Qui sous ses cheveux décoiffés
Cache un cœur décimé ?
Ses sourires ne sont vrais que sous le ciel bleu
Quand le village s’est endormi elle sort, discrète
Si elle ne vient pas, chéri sera furieux
Personne n’en sait rien, personne ne s’inquiète;
Le bourreau l’attend, elle enfourche sa monture
Et l’autorise à l’emporter dans les ténèbres
Elle sait déjà qu’elle part pour des mésaventures
Noyée par des ogres lui brisant les vertèbres.
Surpris par tant de candeur, certains ont du mal
À bander mais d’autres s’en donnent à cœur joie
Ils la baisent, la consomment (normal ?)
Chacun manque d’amour, le pauvre et le bourgeois.
Le jour, rire enfantin et mondes enchantés
La nuit, sexe insalubre et forces maléfiques
De petite fée à actrice violentée
De péripatéticienne à rêveuse elfique.
Qui est cette prostitufée
Femme-enfant abîmée
Qui sous ses cheveux décoiffés
Cache un cœur décimé ?
Peur d’être reconnue, elle change ses bijoux
Et se vêtit d’un secret lourd comme le marbre;
Pris de fantasmes effroyables, ils frappent, ils jouent
Avec sa vie. Pour mieux le vivre, elle devient arbre.
Pensées mortifères et espoirs brumeux, souvent
Elle remercie Héra d’exister encore,
Fatiguée de ces crépuscules éprouvants
Songeant au jour où elle reprendra son corps.
Comment s’est-elle retrouvée ici ? Mystère ?
Non. Excès de compassion, excès d’innocence
Égarée dans les méandres de Jupiter
Elle crut être sauvée par un parfum d’encens.
Le jour, danse libre et poèmes bucoliques
La nuit, violence, chrysanthèmes et faux orgasmes
De petite fée à femme mélancolique
Qui a besoin de tendresse, en grand cataplasme.
Qui est cette prostitufée
Femme-enfant abîmée
Qui sous ses cheveux décoiffés
Cache un cœur décimé ?
Tôt ou tard
Tôt ou tard s'en aller
Plus rien à trimballer
Partir après demain
Prendre un des deux chemins
Lumineux ou obscur
Retenir les piqûres
S'adresser au soleil
Celui-là qui s'éveille
Ah, toi qui es si froid
J'accuse ton cœur droit
De m'avoir laissée seule
Pour me casser la gueule.
Tôt ou tard s'en aller
Plus rien à trimballer
Plus rien à endosser
Plus de cœur cabossé
Marcher le long des rails
Caresser la ferraille
Gribouiller sur les murs
Ne bouffer que les mûres
D'au dessus du trottoir
Dessiner mon histoire
À grands coups de couteau
Ils la liront bientôt.
Tôt ou tard s'en aller
Sous un ciel étoilé
Tôt ou tard s'évader
Dans un bruit saccadé
Ils ont tout saccagé
Ils m'ont fait dégager
Moi j'avais tant de rêves
Mais ce soir gris j'en crève
Il est où votre Dieu
Dans cet air fastidieux
Près des trains qui s'enchaînent
Je soulève mes chaînes
C'est là le seul fardeau
Me faisant mal au dos.
Tôt ou tard s'en aller
Briser les barbelés
Ils ont tout mélangé
Moi je pars voyager
Écraser les pendules
De ce peuple crédule
Je m'en vais tout casser
Je m'en vais tout froisser
Et puis cueillir des fleurs
Pour gommer ma douleur
Réparer leurs bavures
Effacer leurs griffures.
Tôt ou tard s'en aller
Ne surtout pas chialer
Ne pas se retourner
Pour ne plus s'acharner
Elle est partie mon âme
Loin de ces amalgames
Je pars loin méditer
J'ai rien à regretter
Rien à me reprocher
C'est eux qui sont fâchés
Je voulais juste aimer
Sans être diffamée.
Tôt ou tard s'en aller
Ses larmes ravaler
Sans s'autoflageller
Plus de tripes emmêlées
Plus d'incompréhension
Plus tant d'accusations
Mon cœur est ébréché
Mon esprit s'est caché
Mon âme est bousillée
Mes yeux écarquillés
Je regarde les wagons
Soufflant tels des dragons.
Tôt où ou tard s'en aller
Un beau jour s'envoler
Voir les trains qui démarrent
Fuyant mes cauchemars
En grattant du papier
Moi je m'en vais à pieds
Mes sens tout éveillés
Même plus effrayée
Je subis son absence
Plus rien n'a aucun sens.
Tôt ou tard s'en aller
Ils s'en sont tous mêlés
C'était prémédité
Prouver la vérité
Ça j'ai laissé tomber
Préférant succomber
Préférant m'évader
Sans les persuader
Car la Lune m'a dit
Que nous étions maudits
Damnés par la tempête
Puis réduits en miettes.
Tôt ou tard s'en aller
Partir loin cavaler.