Joyeux Anniversaire Julian Assange, né le 3 Juillet 1971 La torture du Rêveur

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J’erre solitaire sur les eaux. Transparente et limpide, mon âme m’accompagne dans une longue aventure. Elle devient visible en prenant la forme d’un rocher ou d’un dragon. Mes pensées interrogent l’étendue aquatique qui me répond en un langage magique. Ma sueur se mélange aux océans sans fin. Dans quelle zone se cache la vérité des mots ? Mes yeux se posent sur la boussole qui m’entraîne vers une destination mystérieuse. Toutes les directions se dissolvent au fond de l’eau salée. Comment se diriger vers l’ailleurs inconnu ? Je ne distingue plus ni le Nord, ni le Sud, ni l’Est, ni l’Ouest. Comme la flèche ne me guide plus, je deviens le maître de mon destin.

C’est dans la nuit pure qu’on voit mieux, car c’est dans l’obscurité que se promènent les idées véridiques, les vers de la plus noble poésie, les intrigues des plus attrayants romans. C’est au sein des ténèbres que se manifestent les plus étranges folies, les syllabes les plus incroyables et les nouvelles les plus extraordinaires. Je ne vois rien, mais je peux deviner qu’une souffrance déchire des corps innocents dans d’autres continents. Je n’entends pas leur cri, et pourtant la douleur est là. Humaniste, les larmes qui coulent sont les mêmes dans tous les pays. Une bombe, un parfum, un avenir incertain. Inquiétude, exil, quatre poissons tournant en rond dans une eau couleur de sang. Une veuve, un lavabo, un écran brisé, une ambiance mélancolique. Un long drame dont je suis l’unique témoin.   

Ma conscience alerte se réveille, les vagues s’agitent, je me dirige vers une zone tout à fait nouvelle. Les fées m’accueillent au sein d’une dimension étrange. Les mots les plus osés surgissent dans une terre humide fécondée par un pollen venu d’un ailleurs libre. J’arrive dans une région qu’aucun autre humain n’a encore découverte. Musique aquatique, sentiers sans fins, portes closes et ouvertes. C’est là où règne la maîtresse du verbe divin. C’est sur son trône que se trace les alphabets du monde entier. C’est sous ses pieds que glisse le serpent qui dit la vérité. Je vois dans ses mains une espèce de fruit mystérieux. Derrière elle, l’horizon semble s’ouvrir vers une destination inconnue, où les rayons solaires se mélangent à des voyelles, des consonnes et des larmes sans fin. Mon destin s’accomplit, mes yeux s’ouvrent sur des possibilités multiples, je me laisse entrainé par le flux de l’océan. L’essentiel, c’est la quête, et non pas l’aboutissement.         

Je pérégrine d’une île à l’autre à la recherche de la transgression verbale. Les voyelles et les consonnes se tracent sur le sable doré. Un déluge intellectuel m’emporte vers le pays des nymphes et des coquillages. Le soleil me guide dans mon voyage éternel. Les voix des sirènes qui chantent toutes les causes du monde me séduisent. Hymnes à la guerre, à la justice, aux injustices. Je ne reviens plus chez moi. J’ai choisi l’immortalité, ou bien c’est l’immortalité que m’a choisi. Je ne retrouve plus mon palais où le feu réchauffe mon foyer. J’opte pour l’aventure éternelle, pour les songes de l’humanité, pour les voix étouffées. Mes mots me hantent, mes phrases circulent dans ma tête vide à plusieurs reprises. L’élixir du libre arbitre s’offre à moi. Feu de la passion ! Envie de tout abolir pour reconstruire de nouveau un monde qui me ressemble ! J’envoie des textes de mille couleurs à une destination inconnue. Je me prépare pour me désaltérer du jus délicieux afin d’assouvir une soif qui a duré des siècles.  

Toute à coup, la boussole monstrueuse s’impose à moi. Aussi géante que le soleil, elle règne dans mon ciel pur. J’ai l’impression qu’elle est incrustée dans ma conscience, gravée dans mon imagination, implantée dans mon cerveau. Tantôt circulaire, tantôt rectangulaire, elle indique les quatre directions. Au Nord, une grande porte ouvre sur un pays taciturne où les arbres sont démunis de leur feuillage. Un son étrange résonne dans le vent tempétueux. Un cri sauvage, une musique solitaire, un tumulte colérique. Une femme au regard étrange m’attend au Sud, est-ce la fausse maîtresse du verbe ? Elle lui ressemble, pourtant l’eau m’avertit qu’il ne s’agit que d’un piège. Les mots étouffent sous sa langue sensuelle, ses mains sont vides, sa chevelure est opaque. Le sel maritime sur mes lèvres closes, la brise estivale sur ma peau, mes syllabes en voie de disparition.  L’Est ouvre les portes d’un chemin de fer qui ne semble aboutir à aucun pays. Je me perds en parcourant des collines noires. Visage figé, respiration rapide, battement de cœur, yeux secs. Je tente d’écrire, mais ma main ne m’appartient plus. J’essaye de prononcer un mot, mais ma langue est bloquée. A l’Ouest, un chef d’orchestre domine le groupe des musiciens. Je chante seul, mes mots sont autonomes, je finis par m’évanouir au sein du sable noir. Suffocation, délire, vertige. Une note musicale aspire à un élan libre, une grosse main l’attrape et l’étouffe. Le sang d’une mélancolie sinistre coule sur la terre. Triste dénouement pour une mélodie révoltée ! Fin tragique ! Je n’ai plus besoin de cette boussole qui me guide. Je tente de m’en débarrasser pour continuer à m’enivrer de ma rêverie pure, et pourtant elle m’oriente à sa guise. Les monstres apparaissent, les médias deviennent aveugles. Les voix qui hurlaient se taisent tout à coup. Ligoté, je tente de marcher vers la mer de nouveau. Mais en vain ! Me voila loin des eaux, de l’ile, des images et des mots. Mon espace se rétrécit d’une façon progressive, mon esprit s’agite. Mais en vain !

Je porte ma plume comme une croix sur mon dos, et j’avance. Voici Sisyphe roulant sa pierre à ma droite. La terre gronde sous ses pieds, il avance incessamment vers un but inconnu. Le mystère de sa torture se reflète dans mon âme, comme dans un miroir ténébreux. Je plonge au fond de la transparence de la glace en quête d’un Narcisse souffrant. Ses larmes sont les miens. Son calvaire est le supplice de tout âme aspirant à la création d’un langage libre. À ma gauche, Prométhée crie de douleur. En allumant sa cigarette, il a créé un incendie qui a brûlé l’espace et le temps. Feu linguistique. Punition divine. À cause du visage des Dieux, le mot s’est sacrifié, l’homme est affligé, le corps est torturé, la pensée est bloquée. Mes volcans racontent le long récit de l’humanité. Objective ou subjective, mon histoire interminable se trace au sein de l’élément igné. Roule ! Crie ! Ronge ! Enragée, ma plume pointue transperce un ciel bas de couleur grise. Une pluie d’encre. Que le rocher circulaire s’immobilise au sommet de la pente ! Et que l’aigle se transforme en un souffle serein revitalisant les plaies ! À ma gauche, à ma droite, au centre de la terre comme aux cieux.       

Des menottes dans ma langue, des menottes dans mon cœur. Mes mains ligotées ont libéré le mot. Je ne prononce aucun lapsus, je souffle une haleine pure. J’écris dans une langue fluide qui m’a choisi. Multicolores, les lettres et les phrases se tracent sur les murs clos. Ma voix s’élève de l’autre côté du profond fossé noir que survolent des ailes libres. Une tempête d’idées souffle dans l’espace réduit où étouffe mon imagination illimitée. Dans ce trou, il fait trop noir. Est-ce une éclipse solaire ? Les saisons semblent immobiles, le calendrier ne reflète plus le temps, mes yeux ne contemple plus la transformation des couleurs des pommes. La terre se creuse sous mes pieds, les barreaux vibrent, le toit s’agite, mon visage résiste. Auparavant, la transgression avait le goût des cerises, l’odeur d’une gorge blanche, la douceur d’une peau transparente. Le paysage n’avait pas de limite, l’horizon n’existait pas, la terre tournait au rythme de mes mots. Cadence unique. À présent, mon corps qui se rétrécit est enveloppé par un cadre spatial réduit, créé par l’imagination d’un écrivain déposte qui continue l’écriture du roman de ma vie avec sa plume à l’encre fatale. Mon bourreau rédige ma biographie, il me déforme. Si mes lèvres se ferment, de millions de lèvres se fermeront. Si mes mots se taisent, de millions de mots disparaîtrons au sein de l’équation de la terreur. Désormais, je ne suis plus seul, puisque j’appartiens au monde tout entier. Contagieuses, les couleurs de mes textes se répandront partout en parsemant les étincelles de la vérité.        

Je suis l’unique témoin de la chute douce de ma plume au fond des enfers. Les flammes brulent les bouts de mes doigts. Douleur ignée, larmes noires, abîmes sans fin. Mes mains tracent quelques lettres tristes sur les murs de ma prison. Quête du mot, confusion mentale, désordre spirituel. Ma plume tombe et tombe encore. Je tends ma main pour la saisir, mais en vain. Mes doigts sont noirs. Manipulation, torture, interrogatoire. On me pose à plusieurs reprises la même question éternelle. Ma plume brule dans les flammes infernales. Je ne comprends pas vraiment la question posée. La flèche de la boussole tourne à une vitesse hallucinante. Les laves de mon imagination coulent sur le sol, à l’instar d’un sang multicolore. Je nage entre les flammes liquides, je me souviens pour quelques minutes de la maîtresse du verbe. Ses yeux, sa peau, ses lèvres prononçant des syllabes mystérieuses. La boussole explose. La mort règne vers le Nord, le silence s’impose su Sud, l’Est me ramène à mon point de départ, l’Ouest demeure immobile au sein d’une vacuité effrayante. Je sombre au fond de la vallée des pensées vagues. Où sont mes images ? Où sont mes souvenirs ? Ils s’estompent petit à petit au sein de cet univers clos.     

Que les mots limpides se tracent sur l’étendue céleste ! Que l’espace s’élargisse ! Que le verbe musical explose dans les coins silencieux ! A ma droite, Sisyphe tente d’échapper à la torture éternelle. A ma gauche, Prométhée pleure sans cesse. On me pose la même question cent fois. Mais, comme je ne comprends plus leur mot, je ne parviens plus à répondre.

Je prononce un mot qui se transforme en une bulle de savon qui s’élève vers les nuages blancs. Je ferme les yeux, j’ai très envie de parler à mes deux amis. Je tente de formuler une phrase, mais en vain. Un caillou, une plaie, une sorcière. Enfin, je me tourne à ma droite. Mes mots sont là, mes phrases sont sincères, mes voyelles sont solides. Je parle à un mort. Sisyphe n’est plus. Son cadavre sanglant attire les photographes et les journalistes. La presse en parle ; Sisyphe est mort. La grosse pierre roule, Prométhée hurle, je ferme les yeux, j’attends mon sort.            

 


 
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