• Latest News



Syrie et Irak : l’histoire d’un conflit sans fin

img

Eux, c’étaient les Ghassanides ; nous, les Lakhmides.
Une guerre entre deux tribus, deux royaumes — l’un a la Syrie, l’autre en Irak.
Nous étions des lignes de front tracées sur le sable, et chaque fois que le vent les effaçait, nous les redessinions —
une fois avec le sang, une autre avec l’attente, souvent avec la ruse.

Puis vint Mu‘âwiya à Damas, brandissant un étendard qui ne se satisfaisait pas sans l’Irak.
Contre lui se leva l’Imam des pauvres, qui ne trouva ni demeure à Médine, ni refuge au Hedjaz,
et transporta sa capitale à Koufa, au cœur de l’Irak —
là où l’eau pèse plus que l’or, là où l’histoire ne pardonne pas.

Ensuite vint Yazid, et Kerbala passa entre nous comme une lance dans le flanc de l’Irak,
un sang sur la main de la syrie, un cri dans le ciel qui résonne encore —
comme si l’histoire était un poignard logé entre les côtes de l’Euphrate.

Ils nous ont ensuite exporté le baathisme, et nous leur avons rendu la pareille :
nous nous sommes battus pour la gauche du Baas là-bas et la droite du Baas ici —
entre l’image de Hafez dans les places, et celle de Saddam sur les murs,
entre la voix tonitruante et le slogan creux.

Nous, nous sortions des poèmes de nos bouches,
et eux, des slogans de leurs gorges.

Puis ils nous ont envoyé des kamikazes comme on lâche une meute pour la chasse,
et nous leur avons exporté des combattants :
des noms de fer et de poudre, poussant dans leurs villes, se répandant dans leurs ruelles comme des ombres.

Ce commerce-là n’a jamais cessé.

Ils nous ont exporté le captagon — cette petite pilule de fuite,
et nous leur avons envoyé des pèlerins : des hommes en habits sombres,
marchant dans leurs rues avec la lenteur d’une prière du soir,
le cœur alourdi de fautes qu’ils n’ont jamais commises.

Ils nous ont envoyé des épouses, des amantes —
venues de Damas avec des accents qui chantent comme des ballades,
et nous leur avons envoyé des amants fatigués :
des hommes avec l’inquiétude dans leurs poches comme des billets froissés,
des poètes qui parlent d’amour comme s’ils écrivaient leurs élégies à l’avance.

C’est un commerce ininterrompu,
depuis les Ghassanides et les Lakhmides jusqu’à ce jour.
Nous exportons les morts ; ils exportent les funérailles.
Nous exportons des rêves brisés ; ils exportent des villes vacillantes.
Nous envoyons les mots ; ils répondent par le silence.

Une longue histoire de perte partagée.
Nous fabriquons la ruine ensemble, et nous l’héritons ensemble.
Et chaque fois que nous croyons que l’histoire est finie, elle recommence :
Nous sommes les tueurs et les tués.
Nous sommes ceux qui vont à la guerre et ceux qui en reviennent.
Nous sommes les écrivains des élégies, et nous en sommes aussi le sujet.

 

Other Books